L'histoire contemporaine de l'Iran est loin d'être un long fleuve tranquille que pourtant de remarquables richesses naturelles auraient pu assurer. Ce sont précisément celles-ci qui lui valurent un vingtième siècle chaotique... et ce n'est pas fini. Probablement plus importante que ces richesses, la situation géopolitique du pays aux portes d'une Union Soviétique challenger idéologique de l'Empire puis d'une vaste Russie échappant à l'impérialisme de ce dernier.
"Mieux vaut des islamistes que des communistes ou des libéraux factieux" a-t-on dû penser dans certains milieux...
"Mieux vaut des islamistes que des communistes ou des libéraux factieux" a-t-on dû penser dans certains milieux...
En 1901, William Knox d'Arcy, explorateur anglais, persuada le Shah de Perse de lui accorder pour soixante ans les
droits miniers sur le pays en échange de
quelques milliers de livres et de 16% sur le montant des recettes. Sept ans plus tard du pétrole y est découvert qui donnera naissance à l'Anglo-Persian Oil Company - future British Petroleum
(BP) - à l'initiative d'une Grande-Bretagne à la recherche d'approvisionnements sûrs au Moyen-Orient.
En 1921, l'officier
Reza Khan accéda au pouvoir par un coup d’État et fonda la dynastiePahlavi. Il engagea son pays sur la voie de la modernisation et obtint de
meilleures conditions contractuelles avec BP. Pressions
commerciales et politiques de la part de la Grande-Bretagne et de la Russie aidant, le Shah se rapprocha de l'Allemagne
avant le début de la seconde guerre mondiale.
En 1941, La Grande-Bretagne
et la Russie
envahirent l'Iran et brisèrent la résistance : le Shah capitula, son
fils monta sur le trône et déclara la guerre à l'Allemagne en 1943.
En 1951, et malgré ce rappel à l'ordre, l'Iran
renouvela sa tentative d'émancipation de la tutelle britannique. Son premier ministre
Mohammed Mossadeq nationalisa la concession de BP pour financer la modernisation du pays, ce à quoi la Grande Bretagne
répondit par un blocus et une citation de Mossadeq devant la Cour mondiale de justice qui
statua en faveur de celui-ci. Malgré cela Mossadeq fut renversé en 1953 par une action conjointe des services secrets britanniques et de la CIA*. En conséquence, le Shah
accorda des droits pétroliers à un consortium d'entreprises
anglo-américaines qui régnèrent jusqu'en 1978, date à laquelle le Shah
Reza Pahlavi refusa la proposition de BP de renouveler pour 25
ans sa concession d'extraction pétrolière.
Dans son livre « A Century of War : Anglo-American Oil and
the New World Order » paru en 2004, William Engdah établit clairement le
lien entre la révolution Khomeinienne qui mit l'Ayatollah au pouvoir en 1979 et
les intérêts anglo-américains. Face au refus du Shah de renouveler la concession pétrolière, les services secrets britanniques et la CIA ont œuvré pour sa destitution
et son remplacement par Khomeiny.
Cette décision de la part des stratèges anglo-saxons de
favoriser l'islamisme radical au Moyen Orient s'explique par
la volonté de dresser les pays arabes les uns contre les autres afin de:
1° éradiquer la montée en puissance des nationalismes
arabes laïques engagés sur la voie de la modernisation ;
2° contrer l'influence soviétique dans la région et notamment
de le combattre en Afghanistan par soldats islamistes interposés ;
3° fournir un nouvel ennemi crédible
en lieu et place des soviétiques après la guerre froide.
Il est probable que, par la suite, la guerre
Iran-Irak (80/88) ait été ourdie par les États-Unis afin d'affaiblir d'avantage encore les deux pays, l'Irak ayant alors été massivement approvisionnée en armement par les États-Unis.
PS: Plus récemment, en 2011 en Libye, BP n'a pas dérogé à ses méthodes comme l'atteste ce mail de Stratfor, la société de renseignement privé proche des états-majors
américains, révélé par WikiLeaks: https://owni.fr/2012/03/06/guerre-libye-syrie-gi-files-wikileaks/
" Le gars britannique dit que la Grande-Bretagne est guidée
par des intérêts énergétiques dans cette campagne. Depuis la marée
noire [dans le Golfe du Mexique, NDLR], BP souffre aux États-Unis. Les
autres options sont d’aller vers la Sibérie (problèmes avec la Russie),
le Vietnam et… la Libye. Selon eux, le renversement de Kadhafi est le
meilleur moyen de remplir ces objectifs énergétiques."
* Des documents internes à la CIA datant des années '70, récemment déclassifiés et publiés le 19 août 2013, détaillent clairement le rôle de l'agence: "le coup d'Etat militaire qui a renversé Mossadegh et son cabinet de Front national a été mené sous la direction de la CIA dans un acte de politique étrangère".
Endeumo
Le destin de l'Iran depuis plus d'un siècle est entre les mains des anglo-saxons dont la stratégie consiste aujourd'hui à favoriser l'islamisme radicale afin de diviser le Moyen Orient, donc d’affaiblir les détenteurs de ses ressources énergétiques, et de fournir un nouvel ennemi crédible à l'Occident.