Selon Frédéric Lordon, le véritable clivage gauche/droite résiderait dans le choix de rester ou non dans le cadre de la doxa économique, masque de l'idéologie dominante. Aurait-il du mal à sortir de son propre cadre, à savoir celui de l’économie ?...
Frédéric Lordon: le véritable clivage gauche/droite
Cette vision des choses rejoint en somme celle du clivage anglo-saxon opposant conservateurs et progressistes, limité ici à la seule sphère économique. Les sociologues, et même les politiciens dignes de ce nom, voient la chose quelque peu différemment et ne réduisent pas l’humain à quelque organisation comptable que ce soit, fut elle européenne ou internationale.
Dans le sens qui, hélas, lui incombe aujourd'hui, l'économie n’est qu’une panoplie d'outils façonnés par une catégorie de gens soucieux avant tout de servir leurs privilèges sous le couvert fallacieux de l’intérêt général. La cause première des dysfonctionnements de ces outils n’est pas les instruments en eux-mêmes mais ceux qui les ont détournés et les manient désormais. Le véritable clivage départage donc, non pas simplement "ceux qui sont implicitement d'accord pour travailler à l'intérieur du cadre et ceux qui veulent en sortir et le refaire" - dixit Frédéric Lordon pour qui ce cadre représente commerce et finance – mais, plus largement, ceux qui défendent les privilèges et ceux qui les combattent.
La loi du marché est un de ces outils, et non des moindre puisqu'elle conditionne l'économie libérale dans son ensemble au nom de la liberté individuelle, ceci tout en se gardant bien d'évoquer son potentiel hautement mystificateur, il n'est pour s'en convaincre que de constater le creusement des inégalités laissant sur le bord de la route de la liberté nombre... d'individus. Cette loi n'est finalement que la transposition moderne de la loi de la jungle puisqu’elle se résume, hors interventions régulatrices de l’État, à la loi du plus fort… du plus riche.
Au-delà de ces considérations économico-sociales peut-être serait-il bon de nous questionner au niveau anthropologique : comment notre espèce en est-elle arrivée à s'enferrer dans ce libéralisme omnipotent?... L’être humain est issu d’une très longue lignée d’espèces profondément égoïstes et n’aurait jamais vu le jour si un seul chaînon de cette lignée eut manqué à la règle. Comme tout animal social, il se doit de gérer simultanément ses intérêts individuels et collectifs.
Ces deux niveaux sont corrélés et partagent en général les mêmes objectifs. Néanmoins, lorsqu’il y a conflit entre eux, la droite privilégiera l’individu au nom d’une liberté, d’un égocentrisme prétendus bénéfiques à tous, la gauche pour sa part favorisera la société qu’elle estime inhérente à notre condition, à notre espèce. En fait, en cas de conflit d’intérêt entre individu et collectivité, un choix est à faire : privilégier l’un ou l’autre, l'un excluant l'autre. C’est à ce constat que le réformisme propre à la sociale démocratie ne résiste pas. Ce choix dépasse parfois, hélas, l'entendement des intéressés trop absorbés par des intérêts à court term.
" Dans son livre intitulé Effondrement (Gallimard, 2005), le biologiste Jared Diamond mentionne, parmi les raisons pour lesquelles des civilisations anciennes sont mortes, l’incapacité de leurs élites et de leurs gouvernements à se représenter clairement le processus d’effondrement en cours ou, si elles en ont pris conscience, leur incapacité à le prévenir en raison d’une attitude de défense «court-termiste » de leurs privilèges. Les comportements suicidaires ne sont pas absents du monde naturel : on les rencontre par exemple dans la physiologie de la cellule. C’est le phénomène de « l’apoptose » ou « mort cellulaire programmée », quand la cellule entame son autodestruction parce qu’elle reçoit des messages chimiques signalant la mort inévitable de l’organe auquel elle appartient. Arnold J. Toynbee, illustre philosophe de l’histoire, nous a prévenus : « Les civilisations ne meurent pas assassinées, a-t-il écrit, elles se suicident. » Souhaitons que ce ne soit pas tout simplement à cela que nous assistions. "
Frédéric Lordon: le véritable clivage gauche/droite
Cette vision des choses rejoint en somme celle du clivage anglo-saxon opposant conservateurs et progressistes, limité ici à la seule sphère économique. Les sociologues, et même les politiciens dignes de ce nom, voient la chose quelque peu différemment et ne réduisent pas l’humain à quelque organisation comptable que ce soit, fut elle européenne ou internationale.
Dans le sens qui, hélas, lui incombe aujourd'hui, l'économie n’est qu’une panoplie d'outils façonnés par une catégorie de gens soucieux avant tout de servir leurs privilèges sous le couvert fallacieux de l’intérêt général. La cause première des dysfonctionnements de ces outils n’est pas les instruments en eux-mêmes mais ceux qui les ont détournés et les manient désormais. Le véritable clivage départage donc, non pas simplement "ceux qui sont implicitement d'accord pour travailler à l'intérieur du cadre et ceux qui veulent en sortir et le refaire" - dixit Frédéric Lordon pour qui ce cadre représente commerce et finance – mais, plus largement, ceux qui défendent les privilèges et ceux qui les combattent.
La loi du marché est un de ces outils, et non des moindre puisqu'elle conditionne l'économie libérale dans son ensemble au nom de la liberté individuelle, ceci tout en se gardant bien d'évoquer son potentiel hautement mystificateur, il n'est pour s'en convaincre que de constater le creusement des inégalités laissant sur le bord de la route de la liberté nombre... d'individus. Cette loi n'est finalement que la transposition moderne de la loi de la jungle puisqu’elle se résume, hors interventions régulatrices de l’État, à la loi du plus fort… du plus riche.
Au-delà de ces considérations économico-sociales peut-être serait-il bon de nous questionner au niveau anthropologique : comment notre espèce en est-elle arrivée à s'enferrer dans ce libéralisme omnipotent?... L’être humain est issu d’une très longue lignée d’espèces profondément égoïstes et n’aurait jamais vu le jour si un seul chaînon de cette lignée eut manqué à la règle. Comme tout animal social, il se doit de gérer simultanément ses intérêts individuels et collectifs.
Ces deux niveaux sont corrélés et partagent en général les mêmes objectifs. Néanmoins, lorsqu’il y a conflit entre eux, la droite privilégiera l’individu au nom d’une liberté, d’un égocentrisme prétendus bénéfiques à tous, la gauche pour sa part favorisera la société qu’elle estime inhérente à notre condition, à notre espèce. En fait, en cas de conflit d’intérêt entre individu et collectivité, un choix est à faire : privilégier l’un ou l’autre, l'un excluant l'autre. C’est à ce constat que le réformisme propre à la sociale démocratie ne résiste pas. Ce choix dépasse parfois, hélas, l'entendement des intéressés trop absorbés par des intérêts à court term.
Dans le sens qui, hélas, lui incombe aujourd'hui, l'économie n’est qu’une panoplie d'outils façonnés par une catégorie de gens soucieux avant tout de servir leurs privilèges sous le couvert fallacieux de l’intérêt général. La cause première des dysfonctionnements de ces outils n’est pas les instruments en eux-mêmes mais ceux qui les ont détournés et les manient désormais. Le véritable clivage départage donc, non pas simplement "ceux qui sont implicitement d'accord pour travailler à l'intérieur du cadre et ceux qui veulent en sortir et le refaire" - dixit Frédéric Lordon pour qui ce cadre représente commerce et finance – mais, plus largement, ceux qui défendent les privilèges et ceux qui les combattent.
La loi du marché est un de ces outils, et non des moindre puisqu'elle conditionne l'économie libérale dans son ensemble au nom de la liberté individuelle, ceci tout en se gardant bien d'évoquer son potentiel hautement mystificateur, il n'est pour s'en convaincre que de constater le creusement des inégalités laissant sur le bord de la route de la liberté nombre... d'individus. Cette loi n'est finalement que la transposition moderne de la loi de la jungle puisqu’elle se résume, hors interventions régulatrices de l’État, à la loi du plus fort… du plus riche.
Au-delà de ces considérations économico-sociales peut-être serait-il bon de nous questionner au niveau anthropologique : comment notre espèce en est-elle arrivée à s'enferrer dans ce libéralisme omnipotent?... L’être humain est issu d’une très longue lignée d’espèces profondément égoïstes et n’aurait jamais vu le jour si un seul chaînon de cette lignée eut manqué à la règle. Comme tout animal social, il se doit de gérer simultanément ses intérêts individuels et collectifs.
Ces deux niveaux sont corrélés et partagent en général les mêmes objectifs. Néanmoins, lorsqu’il y a conflit entre eux, la droite privilégiera l’individu au nom d’une liberté, d’un égocentrisme prétendus bénéfiques à tous, la gauche pour sa part favorisera la société qu’elle estime inhérente à notre condition, à notre espèce. En fait, en cas de conflit d’intérêt entre individu et collectivité, un choix est à faire : privilégier l’un ou l’autre, l'un excluant l'autre. C’est à ce constat que le réformisme propre à la sociale démocratie ne résiste pas. Ce choix dépasse parfois, hélas, l'entendement des intéressés trop absorbés par des intérêts à court term.
" Dans son livre intitulé Effondrement (Gallimard, 2005), le biologiste Jared Diamond mentionne, parmi les raisons pour lesquelles des civilisations anciennes sont mortes, l’incapacité de leurs élites et de leurs gouvernements à se représenter clairement le processus d’effondrement en cours ou, si elles en ont pris conscience, leur incapacité à le prévenir en raison d’une attitude de défense «court-termiste » de leurs privilèges. Les comportements suicidaires ne sont pas absents du monde naturel : on les rencontre par exemple dans la physiologie de la cellule. C’est le phénomène de « l’apoptose » ou « mort cellulaire programmée », quand la cellule entame son autodestruction parce qu’elle reçoit des messages chimiques signalant la mort inévitable de l’organe auquel elle appartient. Arnold J. Toynbee, illustre philosophe de l’histoire, nous a prévenus : « Les civilisations ne meurent pas assassinées, a-t-il écrit, elles se suicident. » Souhaitons que ce ne soit pas tout simplement à cela que nous assistions. "