Voici une analyse concernant l’Etat Islamique que l’on peut qualifier de rare. Car dès qu’il s’agit de cette engeance, il y a comme une sorte de gel des neurones chez les intellectuels, ce qui les oblige à ressortir les clichés et les leçons apprises dans les livres des recettes de la propagande selon lesquels DAECH a la capacité de réaliser ce qu’aucune armée au monde ne saurait faire. Il n’est pas besoin de l’Ecole de Guerre pour savoir que les exploits militaires qui sont prêtés à DAECH ne peuvent être réalisés sans une aide logistique extérieure, aide abordée dans les médias de manière toujours pudique avec tout le floutage nécessaire. Tony Cartalucci lui, n’a aucune pudeur à appeler un chat un chat. RI

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Par Tony Cartalucci
Depuis les anciens temps, une armée a toujours demandé un grand soutien logistique afin d’être performante dans quelque campagne militaire que ce soit. Dans la Rome antique, on construisit un vaste réseau de routes non seulement pour faciliter transport et commerce, mais aussi pour permettre aux légions romaines de se déplacer bien plus rapidement là où on en avait besoin et aussi pour accélérer le processus de ravitaillement très important que suscitait ces légions.
A la fin du XVIIIème siècle, le général français et stratège expert Napoléon Bonaparte notait qu’ “une armée marche sur son estomac”, se référant au réseau logistique extrême nécessaire pour maintenir une armée en campagne bien nourrie et ainsi maintenir sa capacité de combat. Pour les Français, leur incapacité à maintenir une logistique et un ravitaillement adéquats à leurs forces combattantes, notamment en Russie et la décision des Russes de pratiquer la stratégie de la terre brûlée afin d’empêcher les forces françaises envahisseuses de se nourrir sur le pays, finalement les vainquirent.
L’Allemagne nazie souffrait d’un destin similaire lorsqu’elle étira par trop ses capacités logistiques lors de l’opération Barbe Rousse d’invasion de l’URSS. Une fois de plus, les armées de l’envahisseur furent bloquées par leurs ressources limitées avant d’être coupées de leur ravitaillement et annihilées ou forcées de battre en retraite.
Dans les temps plus récents, pendant la guerre du Golfe du début des années 1990, une longue ligne de ravitaillement trop loin des troupes alliées envahissant l’Irak ainsi qu’un choc anticipé avec le gros des forces de Saddam Hussein mirent un coup d’arrêt à ce qui fut autrement une avance éclair et qui fut comprise par erreur comme ayant pu atteindre Baghdad si la volonté politique y avait été. La volonté de conquérir était présente, c’est l’intendance qui ne suivait pas…
Aussi claires que soient les leçons de l’histoire, elles semblent toujours disparaître avec la troupe de politiciens et d’agences de presse occidentale qui est soit totalement ignorante, soit incroyablement trompeuse.
Les lignes de soutien logistique de l’EIIL
Le conflit actuel qui consume le Moyen-Orient, particulièrement en Irak et en Syrie où le soi-disant “État Islamique” EI ou EIIL opère et combat simultanément, battant, les forces régulières syriennes, libanaises, irakiennes et iraniennes, est nous dit-on, bâti sur un réseau logistique de marché noir de la vente de pétrole et de paiements de rançons.
La capacité de combat de l’EIIL est celle d’un état-nation. Il contrôle de vastes portions de territoires s’étalant de la Syrie à l’Irak et il est non seulement capable de défendre militairement ce territoire étendu, mais il possède les ressources pour l’occuper, incluant des ressources pour administrer les populations subjuguées en son sein (NdT: comme un nouvel état COLONIAL tiens, tiens…)
Pour les analystes militaires, surtout les anciens des forces armées occidentales et aussi les membres des médias occidentaux qui se rappellent les convois de camions gigantesques qui furent requis pour pouvoir envahir l’Irak dans les années 1990 puis de nouveau en 2003, ils se demandent tous aujourd’hui où sont les camions de l’EIIL ? Après tout, si les ressources pour maintenir la capacité de combat exhibée par l’EIIL étaient disponibles au sein des seuls territoires syriens et irakiens occupés, alors certainement que les forces irakiennes et syriennes posséderaient également une capacité de combat au moins égale sinon supérieure à celle de l’EIIL, mais elles ne l’ont tout simplement pas.
Et si les lignes logistiques de ravitaillement de l’EIIL étaient uniquement confinées sur le territoire irakien et syrien, alors certainement que les forces régulières irakiennes et syriennes utiliseraient un des grands avantages qu’elles ont leur possession, leur puissance aérienne, pour couper la ligne de ravitaillement des combattants de l’EIIL de sa source. Mais ceci ne se produit pas et…. IL Y A UNE TRES BONNE RAISON A CELA.
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Les lignes de ravitaillement de l’EIIL sillonnent précisément des endroits où les forces aériennes irakienne et syrienne ne peuvent pas aller. Au nord chez le voisin turc membre de l’OTAN et au sud-ouest chez les alliés des Etats-Unis que sont la Jordanie et l’Arabie Saoudite. Au-delà de ces frontières existe un réseau logistique qui s’étend sur une région qui englobe l’Europe de l’Est et l’Afrique du Nord.
Les terroristes et les armes qui furent laissés après l’intervention de l’OTAN en Libye en 2011 furent rapidement envoyés en Turquie puis en Syrie, le tout coordonné par les officiels du ministère des affaires étrangères américain et des services de renseignement basés à Benghazi, un nid de terroristes depuis des décennies.
Dans un article de 2013, The London Telegraph rapportait, « CIA ‘running arms smuggling team in Benghazi when consulate was attacked’, » que:
[CNN] a dit qu’une équipe de la CIA travaillait dans une annexe proche du consulat sur un projet de fournir des missiles libyens récupérés aux rebelles syriens.
Des armes provenaient également d’Europe de l’Est comme le rapportait le New York Times dans un article de 2013, « Arms Airlift to Syria Rebels Expands, With Aid From C.I.A., » que:
Depuis des bureaux dans des endroits tenus secrets, des officiers des services actions du renseignement américain avaient aidé des gouvernements arabes à faire leurs emplettes d’armes, incluant de larges livraisons en provenance de la Croatie et ont parlementé avec les chefs rebelles pour savoir qui devrait recevoir les armes à leur arrivée, d’après des officiels américains parlant sous condition d’anonymat.”
Quand les sources médiatiques occidentales se réfèrent continuellement à l’EIIL et autres factions opérant sous la bannière d’Al Qaïda comme à des rebelles “modérés”, il est très clair que si ces milliards de dollars d’armement allaient vraiment à ces “rebelles modérés” alors ce serait eux et non pas l’EIIL, qui domineraient le champ de bataille, or ce n’est pas le cas.
De récentes infos ont révélé que dès 2012 le ministère de la défense des USA n’avait pas seulement anticipé la création d’une “principauté salafiste” s’étendant de la Syrie à l’Irak, précisément là où existe l’EIIL aujourd’hui, mais qu’il l’encourageait vivement et contribuait aux circonstances de sa création et réalisation pratique.
Quel est le degré d’extension des lignes de logistique de l’EIIL ?
Alors que beaucoup en occident jouent les ignorants sur la manière dont l’EIIL obtient son approvisionnement afin de maintenir optimale sa capacité de combat, quelques journalistes se sont rendus dans la région et ont filmé et rapporté les convois de camions sans fin qui suppléent l’armée terroriste.
Est-ce que ces camions roulaient depuis des usines saisies par l’EIIL dans les territoires irakiens et syriens ? Non. Ils venaient de loin en Turquie, traversant la frontière syrienne en toute impunité et se dirigeaient vers leurs destinations sous la protection évidente de l’armée turque. Les tentatives par l’aviation syrienne d’attaquer ces convois de ravitaillement et les terroristes qui les accompagnent ont été contrées par la défense anti-aérienne turque…
La chaîne internationale allemande Deutsche Welle (DW) a publié le premier constat vidéo d’un média occidental illustrant et documentant que l’EIIL n’est pas fourni par la vente au marché noir de pétrole ou par l’argent issu de rançons d’otages, mais par des ravitaillements valant des milliards de dollars transportés en Syrie depuis la Turquie membre de l’OTAN. La frontière turco-syrienne voit passer des centaines de camions par jour…
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Que de camions bâchés pour transporter... du pétrole!...
Le rapport intitulé, « ‘IS’ supply channels through Turkey, » confirme ce qui a été rapporté par des analystes politiques ( reported by geopolitical analysts) depuis 2011 à savoir que l’EIIL ne peut survivre et ne survit de fait que grâce à un énorme sponsorship d’état multinational incluant évidemment la Turquie elle-même.
En regardant les cartes du territoire tenu par l’EIIL et en lisant les rapports d’action de ses manœuvres offensives à travers la région et au-delà, on peut facilement imaginer les centaines de camions par jour que cela nécessite pour maintenir un tel niveau de capacité combattante.. On peut facilement imaginer des convois similaires traversant les frontières de l’Irak en provenance de la Jordanie et de l’Arabie Saoudite. Des convois similaires passent certainement en Syrie depuis la Jordanie.
Ainsi, considérant les réalités logistiques et leur importance de tous temps dans les campagnes militaires au travers de l’histoire humaine, il n’y a pas d’autre explication plausible quant à la capacité de l’EIIL de perpétrer une guerre en Syrie et en Irak sans avoir les immenses ressources qui lui sont envoyées depuis l’étranger.
Si une armée marche sur son estomac et les estomacs de l’EIIL sont remplis des vivres en provenance de l’OTAN et du Golfe, alors l’EIIL continuera à marcher pendant longtemps, probablement même de plus en plus vite. Le point clef pour briser les reins de l’EIIL est de briser les reins de sa ligne de ravitaillement. Pour pouvoir le faire néanmoins, et précisément c’est pour cela que le conflit traîne tant en longueur, il faudrait que l’Irak, la Syrie et l’Iran et autres pays sécurisent éventuellement leurs frontières et forcent l’EIIL à combattre en Turquie, en Jordanie et en Arabie Saoudite, scénario difficile à mettre en place car des nations comme la Turquie ont créé des zones tampons de facto en territoire syrien qui demanderait une confrontation directe avec les forces turques pour les éliminer.
Avec l’Iran rejoignant l’équipée avec le déploiement supposé de quelques milliers de soldats pour renforcer les opérations de l’armée syrienne, de grands principes de dissuasion pourraient empêcher la Turquie de renforcer ses zones tampons.
Ceci nous laisse avec cette perspective de la région totalement tenue en otage par l’OTAN avec la perspective d’une guerre régionale catastrophique dans le but de défendre et de perpétuer le carnage perpétré par l’EIIL en Syrie, le tout totalement soutenu de manière sous-jacente par un réseau logistique émanant de territoires de l’OTAN.
Tony Cartalucci